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Assemblée générale 2014

Monique Trédé, présidente

Chers amis,

Comment vous remercier de votre fidélité quand, après ces jours de déluge, le soleil printanier invite plutôt aujourd’hui à une escapade bucolique ? Merci pour votre présence nombreuse qui vaut pour nous comme un encouragement en ce jour, un peu intimidant pour moi, où je dois prendre la parole devant vous après une succession de présidents illustres… et devant l’un d’entre eux.

Notre Association, créée par Jacqueline de Romilly il y a vingt- deux ans déjà, poursuit courageusement sa tâche avec des succès divers, dans un contexte qui reste malheureusement préoccupant. Nous pourrions croire avoir atteint ce jour que semblait annoncer l’énigme des Thélémites :
“Alors auront non moindre autorité
Hommes sans foi que gens de vérité
Car tous suivront la créance et estude
de l’ignorante et sotte multitude
dont le plus lourd sera reçu pour juge…”
(Gargantua, ch. 58)

Sous le signe du grand rire de Rabelais, risquons un état des lieux. Je mentionnerai tout d’abord les messages de sympathie et d’appui à notre action que nous avons reçus de Régis Debray, Marc Fumaroli et Erik Orsenna ; ils ne pouvaient nous rejoindre aujourd’hui mais nous assurent de leur soutien et sont prêts à agir à nos côtés. Je vous recommande d’ailleurs la lecture de l’article que Marc Fumaroli, notre Président d’honneur, vient de faire paraître dans le numéro du Point de cette semaine (Le Point, n° 2164 du 6 mars 2014 ) sous le titre suggestif “Un nouveau Jules Ferry ne serait pas de trop” ; refusant le modèle “tout technologique” des géants de l’informatique, il appelle à une nouvelle alliance entre les sciences positives et l’esprit de finesse, souhait que nous ne pouvons que faire nôtre… Autre intervention encourageante : le long article que Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie cognitive et expérimentale au Collège de France a publié sous le titre “Enseigner est une science” dans le quotidien Le Monde du 20 décembre 2013. J’en résume les conclusions. Stanislas Dehaene part du constat que l’enseignement de la langue française est mieux assuré au Québec ou en Belgique qu’en France ; s’appuyant sur le rapport d’un sociologue, Jérôme Deauvieau, qui montrait que le nœud du problème est la méthode d’enseignement de la lecture au cours préparatoire, il a pu établir en recourant à l’imagerie à résonance magnétique que la méthode analytique d’apprentissage de la lecture est la plus efficace – ce que nous étions nombreux à savoir, me direz-vous, et que les auteurs de la méthode Boscher mettaient en pratique avec succès dans les années 1950 dans les coins les plus reculés de l’hexagone. Il est aujourd’hui démontré qu’une méthode faisant appel à la compréhension est plus efficace qu’une méthode reposant sur des jeux de devinette. Puisse le plaidoyer de Dehaene être entendu et la “méthode globale” être définitivement abandonnée.

Ce qui reste réconfortant est que, malgré un contexte difficile, les effectifs des élèves étudiant le latin ou le grec sont stables :
- en 2013/2014 plus de 160 000 collégiens s’initient au latin en classe de Cinquième – chiffre inchangé depuis trois ans. Ils sont près de 125 000 en classe de Troisième et 30 000 persistent en classe de Seconde.
- pour le grec : l’initiation en classe de Troisième a continué à séduire plus de 17 000 élèves; près de 7000 poursuivent en Seconde et on en compte encore 5000 en Première dont 3300 en Première S.
Cette stabilité des effectifs confirme l’intérêt des élèves et des familles pour ces disciplines et le courage militant des professeurs qui les enseignent ; car les conditions d’exercice du métier ne vont pas s’améliorant.

L’an dernier Paul Demont vous a rendu compte de l’entrevue que nous avions eue en février 2013 au Ministère de l’Éducation nationale avec le jeune conseiller technique pour l’enseignement secondaire, fraîchement nommé au Cabinet de Vincent Peillon, M. Crusson, agrégé d’Histoire, énarque et Docteur en Histoire médiévale. Il était accompagné de Mme Robin, administrateur en charge des lycées et collèges. L’entretien avait été cordial, M. Crusson s’était déclaré vivement intéressé par nos remarques et suggestions. Mais les résultats n’ont pas suivi. Nous avons cette année été reçus le 10 février 2014 avec l’ensemble des associations qui sont nos partenaires, par le nouveau jeune conseiller technique pour l’enseignement secondaire, nommé au Cabinet du Ministre en janvier, Agathe Cagé, normalienne et énarque. Elle était accompagnée de la même Mme Robin et de l’un de ses collègues très attentif aux incidences financières des mesures suggérées. Nous arrivions avec un dossier solide, bien décidés à confronter les représentants du Ministère à ce qui constitue le cœur de leur fonction : garantir l’équité de l’offre de formation sur le territoire national et veiller au respect de la réglementation établie par les textes officiels, réglementation régulièrement mise à mal par des échelons intermédiaires déclarés autonomes – rectorats et établissements. Chacun a pu s’exprimer lors de ce rendez-vous qui a duré près de deux heures. Le jeune conseiller technique s’est montré ému en découvrant l’ampleur de la déréglementation rampante actuelle et nous a garanti à plusieurs reprises la volonté du Ministre de maintenir et protéger ces disciplines qui ne sont plus des disciplines de sélection - les mathématiques les ont remplacées dans ce rôle, comme l’a souligné récemment Vincent Peillon lui-même - mais des disciplines de culture dont l’utilité doit être reconnue. Nous attendons les résultats… Faut-il dès lors considérer comme une retombée positive le fait que notre Ministre quand il a inauguré l’ESPÉ (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Éducation) d’Aix en Provence ait annoncé qu’on y enseignerait le grec ancien et l’arabe classique? Lors de cet entretien nos interlocuteurs nous ont engagés à rencontrer des membres du Conseil supérieur des programmes mis en place par le Ministre et nous ont promis de nous ménager une entrevue avec le président de cette instance, Alain Boissinot. Mais aucune date ne nous a été communiquée à ce jour… Les obstacles institutionnels qui nous sont régulièrement opposés concernent les difficultés de mise en œuvre des emplois du temps. Nous avons donc suggéré que la langue ancienne puisse être, en France comme c’est le cas dans d’autres pays d’Europe, reconnue comme LV2, ce qui permettrait une intégration plus aisée dans les emplois du temps.

J’ai également rencontré le 7 mars, Mme Simone Bonnafous, directrice des enseignements supérieurs et j’ai pu attirer son attention sur la complexité du master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) et sur l’inadéquation des épreuves prévues au concours par rapport aux buts affichés. Serai-je entendue? L’avenir le dira. Mais ne nous leurrons pas. L’année 2013/2014 est clairement une année de transition : chacun attend un possible remaniement ministériel, et, sans doute, rien ne se fera avant la rentrée prochaine.

Face à cette situation nous avons décidé de réagir. Privés de l’aura de notre présidente fondatrice, Jacqueline de Romilly, il nous faut trouver le moyen de prouver que nous ne sommes ni morts ni mourants et que notre but reste le même : veiller à la sauvegarde des enseignements littéraires et inciter la jeunesse à une vraie pratique des Lettres. Pour ce faire nous proposons au Conseil d’administration le lancement d’un concours littéraire ouvert aux élèves des lycées (toutes sections confondues) – un concours de nouvelles, ayant de préférence un lien avec l’Antiquité, dont la meilleure remportera le ”Prix Jacqueline de Romilly de la nouvelle” doté de 1500 euros. La création de ce “Prix Jacqueline de Romilly de la nouvelle” est d’autant plus opportune que des menaces semblent planer sur le “Prix Jacqueline de Romilly” qu’avait créé le Ministère en 2012. Hélène Carrère d’Encausse, qui a bien voulu me recevoir, nous promet son appui et, si la chose paraît souhaitable, le patronage de l’Académie ; et plusieurs éditeurs, dont Bernard de Fallois au premier chef, sont prêts à nous aider. Le projet une fois accepté par notre conseil d’administration, la première session du concours pourrait débuter fin 2014 (inscription des candidats), avec envoi des nouvelles en mars, première sélection en avril, réunion du jury national en mai et distribution du prix en juin. Tel est notre projet !

Nous lançons par ailleurs une grande campagne d’adhésion en demandant à chacun de nos membres de trouver dans son entourage deux adhérents nouveaux prêts à soutenir notre action. Car nous ne pouvons rien sans vous et votre nombre fait notre force !

La dernière tâche qui m’incombe aujourd’hui est de souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du Conseil d’administration – Marion Bellissime, Guillemette Mérot et Victor Gysembergh. Vous les connaissez déjà : vous avez pu juger de leur dynamisme et de leur enthousiasme. Ils vous présenteront dans quelques minutes les derniers succès des « Journées découvrir l’Antiquité ».

Notre Secrétaire générale vous lira quelques témoignages de jeunes professeurs que SEL a pu, grâce à vous, aider. Avec tous ces professeurs qui ne ménagent pas leurs efforts, avec votre soutien fidèle, grâce à notre Secrétaire générale, Sabine Schneider, à notre trésorier Emmanuèle Blanc, et à Paul Demont, qui veillent sur mes pas hésitants, nous continuerons à œuvrer pour que la “communication” ne soit plus le véhicule publicitaire et médiatique de la médiocrité mais redevienne celui de la culture.

Et pour vous en convaincre nous avons invité Paul Demont qui a bien voulu accepter – ce dont nous lui sommes vivement reconnaissants — de nous entretenir de l’Antiquité chez Thomas Mann ; en scrutant son roman Mort à Venise il nous montrera comment l’influence de l’Antiquité y est à la fois directe et médiatisée par les débats contemporains.

Merci à lui, merci à vous et haut les cœurs !